L'UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE
VEUT CENSURER COSTES SUR INTERNET!?!


15 juillet 1997
VERDICT DU PROCES :
L'ASSIGNATION EST DECLAREE NULLE
ET L'UEJF EST DEBOUTEE DE TOUTES SES DEMANDES.

16 juillet 1997
COSTES AUDITIONNE PAR LA POLICE JUDICIAIRE
SUR DEMANDE DU PARQUET DE PARIS
IL SERA DE NOUVEAU JUGE AU PENAL EN 1998...



Jeudi 12 juin 1997 : A la suite de l'article, particulierement critique vis a vis de Costes, paru dans "Le Nouveau Quotidien" en Suisse, la LICRA menace les organisateurs du spectacle de Costes qui devait avoir lieu ce meme jour a l'Usine a Geneve en ces termes : "Messieurs, surpris par l'information du Nouveau Quotidien concernant le groupe rock Costes, nous vous serions reconnaissants de nous confirmer si le concert de ce soir est bien maintenu.
Dans l'affirmative, vous comprendrez qu'en tant que membres de la Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisemitisme, nous jugeons inadmissible que vous cautionniez un groupe musical qui diffuse des textes tels que celui paru dans les colonnes du Nouveau quotidien du 10.6.97 ou s'y apparentant.
En effet, ce genre de textes temoigne d'un total mepris de l'autre et correspond a un appel a la haine raciale.
Dans ce sens, au cas ou ils seraient diffuses en public, ces propos violeraient sans aucun doute l'art. 261bis du Code Penal Suisse accepte par le peuple en septembre 1995.
Francoise Batardon, secretaire-generale
Claire-Luchetta Rentchnik, vice-presidente
Boel Sambuc, vice-presidente de la commission federale contre le racisme.

Cedant aux pressions, les organisateurs annulent le show a midi. A 22h30, la police suisse, ne sachant probablement pas que le spectacle est annule, vient a l'Usine pour arreter Costes afin de "l'interroger". Mais ce dernier, prevenu de l'annulation, n'est pas venu...
Ce meme jour des articles sur cette affaire paraissent dans "La Tribune de Geneve" (Suisse) et dans "Liberation".

Vendredi 13 juin 1997 : Meryem Marzouki, presidente de l'AUI, envoie le e-mail suivant a Costes : "Ni l'objet de l'AUI, ni ses positions jusqu'ici, ni par ailleurs la volonte exprimee par ses membres, ne lui permettaient d'intervenir a tes cotes. La seule chose que nous pouvions faire, est d'intervenir aux cotes de Valentin Lacambre, afin de faire - peut-etre - en sorte qu'a l'avenir, un fournisseur commercial ne puisse pas prendre ses ciseaux a tort et a travers des que la premiere menace se pointe a l'horizon, lesant ainsi avant tout les utilisateurs. Car le but de toutes les UEJF est bien cette suppression-la."
Ce meme vendredi, Costes donne une representation de "Aux chiottes" a la Case a Chocs a Neuchatel en Suisse. Des articles de presse relatant le proces, tres hostiles a Costes, ont paru les jours precedents en Suisse. Cela a cree un conflit entre les organisateurs du spectacle. Tandis qu'une minorite souhaite qu'il ait lieu, la majorite, dont la presidente, souhaite son annulation, et l'annonce a la presse locale. Quand les Costes arrivent a Neuchatel, c'est donc la confusion : personne ne sait s'ils vont ou non jouer!? L'annulation du concert est annoncee dans un article du journal de Neuchatel. Finalement, apres que Costes ait donne l'assurance qu'aucune chanson de "Livrez les blanches aux bicots" ne sera interpretee, le spectacle a lieu. Mais il finit mal : des spectateurs, convaincus par la presse que Costes est un dangereux "fasciste", montent sur scene pour frapper les acteurs : Anne Van Der Linden est blessee au visage. D'autres spectateurs jettent sur les acteurs tout ce qui leur tombe sous la main : verres, bouteilles, outils. Par chance, ces projectiles ne touchent personne de plein fouet. Apres le spectacle, le materiel de la troupe (decor, eclairages, accessoires) est detruit systematiquement. Tout cela s'est passe sans que les organisateurs n'interviennent a aucun moment!

Samedi 14 juin : Un article sur cette affaire parait dans "Univers Mac" de juillet.

Dimanche 15 juin : L'AUI publie le compte-rendu suivant sur le proces :
Compte-rendu de l'audience du 11 juin 1997, a la premiere chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris.
Le president etait Monsieur Lacabarats, les deux assesseurs etaient Mesdames Taillandier et Menotti.
Comparaissaient Jean-louis Costes (artiste, FCI) et Valentin Lacambre (Altern B, FHI), sur assignation a jour fixe par l'UEJF (Union des Etudiants Juifs de France), qui demandait la suppression des pages de Costes, sa condamnation pour propos racistes et incitation à la haine raciale, et la condamnation solidaire de Valentin Lacambre en tant que fournisseur d'hebergement du site de Costes sur Altern B. L'AUI etait intervenant volontaire a titre accessoire aux cotes de Valentin Lacambre.
L'UEJF etait defendue par Maitre Stephane Lilti, Jean-Louis Costes par Maitre Thierry Levy, Valentin Lacambre par Maitre Gerard Bigle, l'AUI par Maitre Frederique de Ridder.
L'audience a commence a 17 heures. Elle s'est terminee a 20 heures passées.

Plan du C.R. :
Plaidoirie de Maitre Stephane Lilti pour l'UEJF.
Plaidoirie de Maitre Thierry Levy pour Costes.
Plaidoirie de Maitre Gerard Bigle pour Lacambre.
Plaidoirie de Maitre Frederique de Ridder pour l'AUI.
Avis du Procureur.
Commentaire.

La première plaidoirie fut celle de Maitre Stephane Lilti pour l'UEJF. Apres avoir rappele les origines de l'UEJF (1944), et pour quelle raison l'UEJF a assigne ses adversaires, Maitre Stephane Lilti rentre dans le vif du sujet en citant un texte de Costes dans lequel quelqu'un lui confie se sentir bien en ayant tue un Pakistanais suite a une lecture des textes de Costes. Il cite ensuite d'autres ecrits et paroles de chanson de Costes, tirees notamment de " Livrez les blanches aux bicots", et dans lequel il est question pour ces dernieres de se faire "enculer ". La salle rit. Le president se fache, et dit qu'il ne tolerera pas ce manque de tenue. L'assistance pique du nez, et on n'entendra plus de reaction jusqu'a la fin de l'audience.
Maitre Stephane Lilti cite ensuite un autre texte ou il est question d'un japonais juif, texte qui avait de quoi faire fremir. Maitre Stephane Lilti evoque la responsabilite directe de l'auteur de ces textes et met immediatement en cause le serveur qui l'heberge. Il s'appuie pour cela sur le fait que Costes et Lacambre sont lies par contrat, et que Lacambre, en acceptant tout, commet une imprudence professionnelle dont il doit assumer les consequences. Il defend qu'en tant que FHI, Lacambre joue le role d'un editeur.
Maitre Stephane Lilti evoque ensuite les contacts entre l'UEJF et Lacambre, au cours desquels l'UEJF a demande a Lacambre de couper, ce dernier ayant refuse au motif qu'il n'avait ni le droit ni le devoir de censurer. Maitre Stephane Lilti insiste sur le fait que l'UEJF ne demande pas la censure d'un artiste, mais la suppression seulement de quatre textes qu'il qualifie de dangereux et criminogene.
Maitre Stephane Lilti revient ensuite sur la solidarite indiscutable selon lui de Costes et Lacambre : pour lui, Costes tout seul n'est pas dangereux ; c'est parce qu'il y a internet qu'il est dangereux (ou : au choix, c'est internet qui le rend dangereux).
Pour terminer, Maitre Stephane Lilti attaque les arguments de defense de son adversaire (voir plus loin), dont il a connaissance par la communication des pieces du dossier. Il refute la prescription (de trois mois) accordee par la loi sur la presse de 1881, invoquee par Costes (NB : le site est actif depuis septembre 1996, l'UEJF n'en a eu connaissance qu'au mois de mars 1997). Pour Maitre Stephane Lilti, un site releve de la loi sur l'audiovisuel, ce qui entraine que le site devrait etre declare (selon l'article 43 de la loi). Or il ne l'est pas. Il s'agit donc d'une publication clandestine qui ne peut se reclamer de la protection de la loi sur la presse.(NDR : le site de l'UEJF est-il déclare ?). Il fait a cette occasion un amalgame avec Le Pen, qui selon lui est coutumier du recours a cette prescription.
Il refute ensuite la prescription a l'aide d'un deuxieme argument. Selon Maitre Stephane Lilti, la realite des propos est constituee a la reception des pages par le lecteur (i.e. pour l'UEJF, au mois de mars) et non pas a compter de la mise en service du site. La, Maitre Stephane Lilti se contredit en admettant l'application de la loi sur la presse qu'il avait formellement ecartee auparavant.
Il la refute encore, cette prescription avec un troisieme argument, a mon avis acrobatique. Selon Maitre Stephane Lilti, un site est une creation homogene d'ensemble a " cote prive bien que public " (sic). A ce titre, une page web n'est pas une publication autonome, mais s'entendant et relevant d'un tout homogene. Il repete qu'on ne peut pas considerer que chaque page est independante. Il en resulte que, Costes ayant mis un forum de discussion sur son site, forum enrichi tous les jours par les contributions recues, Costes produit ainsi une nouvelle publication tous les jours, egalement qualifiee de nouvelle publication du fait qu'elle recoit des consultations, et que c'est la reception par un lecteur qui constitue, toujours selon lui, la realite du propos. A mon sens, il se contredit encore, apres avoir dit plus haut qu'il ne mettait en cause que quatre textes, et en revendiquant le tout indivisible ensuite.
Puis, Maitre Stephane Lilti refute l'argument de Costes selon lequel le site de Costes s'adresse a un reseau d'inities. Pour Maitre Stephane Lilti, le site est en acces anonyme, et trouvable par tout moteur de recherche.
Costes dit qu'il existe un avertissement sur son site. Selon Maitre Stephane Lilti, le contenu de l'avertissement est lui-meme une provocation a la haine raciale.
Costes a invoque la liberte d'expression. Maitre Stephane Lilti lui oppose la jurisprudence en la matiere.
Costes a invoque les messages de sympathie d'antiracistes qu'il a recu sur son forum. Maitre Stephane Lilti repond qu'il en fait des citations parcellaires, en omettant les messages hostiles, et Maitre Stephane Lilti cite d'autres messages de sympathie, ouvertement racistes ceux-là.. Maitre Stephane Lilti en deduit que Costes a de toutes facons ouvert une boite de Pandore qu'il ne controle pas.
Maitre Stephane Lilti pretend que la responsabilite de Costes est d'autant aggravee qu'il a refuse de s'autocensurer et le rend responsable de la situation presente en arguant du fait qu'il n'y aurait pas eu proces si Costes avait accepte de se plier aux injonctions de l'UEJF (!).
Maitre Stephane Lilti, qui n'en a toujours pas fini, developpe ensuite la responsabilite de Lacambre. Il reprend la these de la complicite de Lacambre et refute l'argument de Lacambre qui invoque la clause d'un "pret d'octets ". Dans cette hypothese, la responsabilite du preteur est exoneree dans le cas d'un mesusage de la chose pretee par l'emprunteur. Or, selon Maitre Stephane Lilti, la chose pouvant faire l'objet d'un pret comporte dans sa definition le fait qu'elle peut perir par cas fortuit. Et ce n'est pas le cas d'un octet, toujours selon Maître Stephane Lilti. Donc on ne peut appliquer dans ce cas l'exoneration due au preteur. (NDR : l'octet s'assimilerait plutot a du contenu ; je ne sais pas pourquoi il n'a pas parle plutot de " pret d'espace ").
Selon Maitre Stephane Lilti, il existe un contrat entre Lacambre et Costes, et c'est l'execution de ce contrat qui genere la faute de Costes, donc ces deux-la doivent etre solidaires.
Ensuite, Maitre Stephane Lilti reproche a Lacambre une " abstention fautive ", reconnait qu'il ne peut etre au courant de tout, mais qu'il avait connaissance du contenu Costes, qu'il aurait alors du censurer (c'est un débat que nous connaissons bien a l'AUI...). Maitre Stephane Lilti n'est pas gene de defendre en substance qu'il n'est nul besoin d'un tribunal, et qu'une censure suffit (!).
Ensuite encore, Maitre Stephane Lilti invoque le fait qu'Altern/Lacambre est egalement editeur telematique, et a ce titre soumis aux recommandations du CST. Ce statut, selon Maitre Stephane Lilti, s'etend egalement a l'activite de FHI de Lacambre.
Maitre Stephane Lilti en appelle ensuite a la notion de " manifestement illicite " pour appuyer le fait que Lacambre aurait du " obliger Costes a s'autocensurer ". En refusant de le faire de maniere a attendre le jugement, Lacambre a aggrave sa responsabilite en prolongeant le prejudice.
Selon tout ce qui precede, Maitre Stephane Lilti pense avoir demontre que le prejudice provient de la conjonction entre FCI et FHI.
Maitre Stephane Lilti s'explique ensuite sur la strategie de l'UEJF, en pretendant n'avoir pas choisi la procedure du refere justement pour obtenir un debat sur le fond.
Puis il conteste la demande reconventionnelle de Lacambre (i.e. si Costes est condamne, Lacambre demande au tribunal de condamner aussi Costes a des dommages et interets envers Lacambre, pour compenser la mauvaise image de ce proces dont Lacambre aura a souffrir). Il se fonde pour ca sur le fait que l'UEJF a bien pris soin de ne pas faire de communication mediatique sur cette affaire, de maniere que cela ne fasse pas de publicite à Lacambre, et donc pas de tort. A l'entendre, il voudrait nous faire croire qu'il est soucieux des interets de Lacambre !
Il conclut (enfin !) sur l'intervention de l'AUI a titre accessoire. Il demande notre irrecevabilite au motif que nous sommes association d'utilisateurs, et non de professionnels, et qu'il aurait alors concu que nous intervenions aux cotes de Costes, mais pas de Lacambre (c'est Maitre Stephane Lilti qui le dit). La, il cite également le P.V. du bureau (autorisant l'action en justice), qu'il lit incompletement pour tenter de le travestir, mais ou il releve fort bien en revanche une phrase qu'il presente comme desinvolture de notre part. Il est dit dans cette phrase que nous evaluons un risque a SEULEMENT 5 000 francs. Il en conclut que puisque l'AUI pense qu'elle peut se payer la justice pour seulement 5 000 francs, le tribunal doit la condamner à 10 000. Il est incontestable qu'il y a la une grave erreur de notre part, et que des pieces qui ont vocation a etre communiquees aux parties adverses ne doivent certainement pas faire mention de nos debats internes.
Dans toute sa plaidoirie, Maitre Stephane Lilti n'est pas tres bon, il s'embrouille, son debit n'est pas bon, il bafouille parfois, et confond : il parle a plusieurs reprise de " Lacostes " pour designer son adversaire.

Vient ensuite la plaidoirie de Maitre Thierry Levy, pour Costes.
Il commence par insister sur la dimension de ce proces, qui est le premier au fond sur une affaire de ce type impliquant internet, et il dit que Maitre Stephane Lilti et l'UEJF se sont attaches a masquer cette dimension en developpant un mauvais juridisme.
Sa plaidoirie se fait en deux volets. Le premier volet demande l'irrecevabilite de l'UEJF en faisant jouer la prescription de la loi sur la presse. Ensuite, il invoque les difficultes propres au media internet, notamment dans la datation des documents. Il recuse la date fournie par l'UEJF, et les accuse presque de falsification. Il dit que l'UEJF n'a aucune preuve de la date qu'elle avance (mars 1997) et qu'elle a tres bien pu la mettre elle-même, puisqu'un document informatique peut etre sauvegarde, reproduit et modifie par celui qui le reproduit. Pour Maitre Thierry Levy, le site existe et est consulte depuis septembre, donc il y a prescription. Il prouve d'ailleurs cette anciennete par le pointage de deux " horloges " differentes et coherentes.
Le deuxième volet defend Costes sur le fond : pourquoi n'y a-t-il pas provocation a la haine raciale ? La, c'etait plus difficile. Il fallait un maitre et du grand art. On a eu les deux. On a eu du trois etoiles du pretoire. Ce fut remarquable, flamboyant et splendide. Ce fut de la grande rhetorique a la romaine. Sa plaidoirie a fonctionne comme du Rossini dans l'air de la calomnie. Il a commence tout bas, separant et pesant ses mots, puis il est monte en puissance. Il a compare Costes a Baudelaire, s'est enflamme en recitant des tirades de Baudelaire dans lequel lui-meme se defend lors de ses proces (En fait ces textes n'ont jamais servi a plaider). Baudelaire qui dit que le mal existe mais que ce n'est pas lui qui fait le mal. Maitre Thierry Levy a ensuite evoque la memoire de Villon. Il cite un message de sympathie d'un musicologue qui compare Costes a un troubadour du moyen-age (il aurait pu y ajouter Gesualdo).
Il fallait voir cet orateur declamer sous les ors et les boiseries de la salle d'audience, les textes de Costes et annoncer a tous, dans de grands jeux de manche, que " les noirs ne se lavent pas le cul, qui pue, qui pue, qui pue... ".
Alors, dans ce qui devint presque un murmure, Maitre Thierry Levy evoqua Dieu, auquel il est plus facile de temoigner de l'amour que de la croyance, en l'opposant au Diable, auquel il est plus facile de croire que de l'aimer. Le nom du Diable vint mourir sur ses levres, dans une epaisseur qu'il avait su construire, pour conclure aussitot dans la plus parfaite lumiere de l'evidence, que Costes n'etait pas ce Diable du racisme ordinaire, mais qu'il le dénoncait, au contraire.
D'ailleurs, dit Maitre Thierry Levy, le Centre Simon Wiesenthal, qui revendique l'exhaustivite, ne catalogue pas Costes. Donc Costes n'est pas un raciste.
Pour conclure, Maitre Thierry Levy expose qu'internet met au service de chacun des libertes nouvelles et respectables que n'acceptent pas les gens " qui ont le gout de la police ". Selon lui, l'UEJF fait partie de ces gens qui ont le gout de la police et se sert de Costes pour faire condamner a travers lui toute expression. Elle s'attaque a Costes, inoffensif et sans defense, pour eviter d'avoir a s'attaquer a un internet qui la depasse, et refuser de voir les vrais problemes.

Plaidoirie de Maitre Gerard Bigle pour Lacambre.
Maitre Gerard Bigle va faire dans le pedagogique et dans le technique apres avoir lui aussi insiste sur la dimension du proces, qui est le premier sur le fond sur ce theme.
Maitre Gerard Bigle avait confectionne des schemas, des documents de cours, qu'il va etaler sur le bureau du tribunal, a qui il donne un cours sur le fonctionnement d'internet. Le president demeure toujours impassible mais les deux assesseurs se montrent interessees et posent des questions.
Pour Maitre Gerard Bigle, Lacambre a invente un systeme automatique de pret d'octets. Lacambre ne peut donc surveiller ses emprunteurs dans un processus ou il n'intervient pas. Ensuite, il faudrait aussi impliquer le transporteur (France telecom), et le moteur de recherche, sans lequel le site est inaccessible, sauf aux inities, justement (NDR : a quand un proces UEJF / Digital pour Altavista ?). Donc Lacambre n'intervient pas non plus dans le processus de consultation. Enfin, simple consideration de droit, il conclut que Lacambre fermera le site sans difficulte si le tribunal le demande, mais pas si c'est l'UEJF qui l'exige.

Intervient ensuite Maitre Frederique de Ridder pour l'AUI.
Elle defend la validite de notre demarche en tant qu'association active, representative et consideree, en s'appuyant sur nos statuts et nos actions passees et en cours. Elle rectifie le travestissement de Maitre Stephane Lilti dans sa lecture de notre P.V. litigieux.
Elle demande donc : que nous soyons declares recevables, qu'on nous donne acte de notre association avec Lacambre dans sa defense.
Le procureur conclut l'audience par un avis qu'il donne, mais qui n'a pas de valeur contraignante pour le juge. Il reconnaît la prescription, donc de maniere implicite l'application de la loi sur la presse, meme clandestine. Il regrette toutefois que l'on n'ait pas le debat sur le fond pour cause de juridisme. Il demande une poursuite au penal de Costes, pour juger de la realite raciste eventuelle de ses ecrits. (NDR : l'AUI n'a pas a suivre dans cette procedure au penal).

Mon commentaire personnel : L'UEJF s'est trompee de strategie. Elle aurait attaque Costes seul, sans y meler internet, elle aurait avance sur une voie royale qui l'aurait sans doute menee a la victoire. Avec un bon avocat. Or Maitre Stephane Lilti n'est pas bon. Ou n'a pas ete bon sur ce coup-la. Son eloquence a ete mediocre, et sans doute peu sur lui-meme de sa cause, il a tente d'utiliser a tout prix la totalite des arguments qu'il avait pu imaginer. Ce qui l'a conduit, pour les concilier, a des approximations et des contradictions qui lui seront sans doute fatales.
Le procureur ne s'y est d'ailleurs pas trompe, qui abandonne la partie internet de l'affaire en reconnaissant la prescription, ce qui clot le debat sur le fond. Ce que regrette le procureur, d'ailleurs. Mais il renvoie Costes au penal pour apprecier la teneur raciste eventuelle de ses propos.
S'il est suivi par le juge (sur la prescription, ce qui ne prejuge pas du penal), vous savez ce qui vous reste a faire pour diffuser de mauvaises choses : faites constater par huissier la date de mise en route de votre site, et attendez trois mois avant d'en declarer l'URL dans Altavista...
On a tres nettement compris que l'UEJF attaquait en realite tout l'internet, en se servant du pretexte Costes et de ses textes, qu'elle a estime être un bon cheval pour ce faire, bien que l'interpretation de la pensee reelle de Costes ne soit pas evidente, comme on l'a vu, et ne fasse en tout cas pas l'unanimite. Pourquoi Costes et pas un autre ? Je n'ai pas fait personnellement de recherches, mais j'imagine que des sites en francais sur le territoire francais, dont les termes seraient ouvertement racistes, violents et outranciers ne sont pas legion.
Pourquoi l'UEJF en a-t-elle apres internet ? Je l'ignore. Craint-elle que ce vecteur ne donne, dans un futur proche la parole a quantite d'extremismes, mais manque d'elements concrets pour demontrer sur ce terrain aujourd'hui ? Est-ce un moralisme plus general qui l'amene a penser que le droit d'expression individuel est une mauvaise chose ? Es-ce simplement qu'elle a le " gout de la police " comme l'a assure Maitre Thierry Levy ? On ne sait pas. Quoi que l'UEJF pense, j'imagine quelle serait avisee de le faire connaître clairement de maniere a ce que tous puissent debattre, comme il en est besoin, et reflechir aux implications d'internet, sans les parasites des arguments biaises et des buts inavoues, des non-dits comme on dit, qui aboutissent a masquer ce qu'il en est reellement des enjeux. A cause de Maitre Stephane Lilti, ou de l'UEJF, on sera prive d'un debat sur le fond de la nature d'internet, et sur ses eventuelles specificites, debat qui aurait au moins donne un eclairage sur la perception que la justice en a en France, pour l'instant.


En fait, le procureur a demande une "enquete penale" sur Costes, ce qui ne veut pas dire qu'il y aura forcement proces au penal. Tout dependra des conclusions de l'enquete penale, selon que Costes sera ou non considere "troubler l'ordre public"...

Mardi 17 juin 1997 : Costes et Lily Badtrip (actrice du show de Costes) sont les invites de l'emission "Corpus occasionnels" sur Frequence Paris Plurielle. Ils font le point sur le proces, en expliquent les enjeux pour l'art, la liberte d'expression et l'Internet; et Costes tente, une fois de plus, de justifier son oeuvre. Ils montrent egalement les consequences nefastes du proces : mauvaise image dans les medias, concerts annules, violences et menaces de mort...

Mercredi 18 juin 1997 : F. B. publie sur Internet un tres interessant article intitule "L'ordre moral suisse contre Costes"

Jeudi 19 juin 1997 : Un article sur cette affaire parait dans le fanzine "Hercule le Tubercule".

Mercredi 1 juillet 1997 : Un article sur cette affaire parait dans ".net" n9 de l'ete.

Vendredi 3 juillet 1997 : Un article sur cette affaire parait dans "Netsurf" n17 de juillet/aout.

Lundi 7 juillet 1997 : Un article sur cette affaire parait dans "Planete Internet" de juillet.

Jeudi 10 juillet 1997 : Le verdict du proces est rendu : L'assignation est declaree nulle au regard des dispositions de l'article 53 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 et l'uejf est deboutee de toutes ses demandes.
Mais les paroles des trois chansons du CD "Livrez les blanches aux bicots" publiees sur le site sont jugees contenir "des termes ou expressions constituant materiellement des invectives ou des expressions outrageantes", et "des propos qui, par leur brutalite, sont de nature a caracteriser une exhortation a la haine ou a la violence". Ces propos sont susceptibles de constituer des delits de provocation et injures pouvant etre juges par une juridiction penale. Un proces au penal de Costes serait donc possible...
(le texte integral du jugement)

Vendredi 11 juillet 1997 : Costes est convoque par la Police Judiciaire pour le 16 juillet afin d'etre interroge au sujet de la diffusion de son CD "Livrez les blanches aux bicots".

Samedi 12 juillet 1997 : Un article sur cette affaire parait dans "Le Monde" du dimanche 13 juillet.

Lundi 14 juillet : L'Association des Utilisateurs d'Internet publie le communique de presse suivant sur le verdict du proces : "Par un verdict rendu le 10 juillet, la premiere chambre du tribunal de grande instance de Paris a totalement deboute, et condamne aux depens, l'Union des etudiants juifs de France dans le proces qu'elle avait intente conjointement au chanteur Jean-Louis Costes et au fournisseur d'hebergement Internet de ce dernier, Altern-B.
L'Association des utilisateurs d'Internet (AUI) s'etait portee intervenant volontaire aux cotes d'Altern-B, Altern-B s'etant refuse a censurer le site de Jean-Louis Costes en l'absence de toute decision judiciaire sur le contenu de ce site.
L'AUI se rejouit des attendus, particulierement detailles, qui accompagnent ce verdict, et qui tendent tous a integrer le contenu du site Web incrimine au droit commun : il n'y a pas de droit specifique a Internet, ni de mesure d'exceptionnalite concernant ce media, laquelle justifierait des dispositions derogatoires au fonctionnement normal de la justice.
Elle se rejouit egalement du verdict, qui n'a pas condamne le fournisseur Altern-B, et qui a reaffirme que le chanteur Jean-Louis Costes devait pouvoir invoquer "tous les moyens de defense propres a assurer l'exercice de sa liberte d'expression ".
En tout etat de cause, le jugement n'a pu porter au fond, pour des questions de procedure. En particulier, le tribunal n'a pu statuer sur le role ni sur la responsabilito du fournisseur Altern-B, et il faudra attendre soit l'apparition d'un nouveau contentieux, soit une instruction penale, pour voir aborder en France la question de la responsabilite du fournisseur d'acces et/ou d'hebergement.
La decision du tribunal, en affirmant en termes particulièrement nets la recevabilite de l'intervention volontaire de l'AUI, en soulignant que l'objet de l'AUI est "notamment de defendre les droits des utilisateurs du reseau" (ce qui constitue une premiere en France), renforce notre association dans sa notre determination a poursuivre ce combat, chaque fois que cela sera necessaire.
Les acteurs d'Internet doivent savoir qu'en de tels cas, ils pourront toujours trouver l'Association des utilisateurs d'Internet prete a intervenir a leurs cotes."
Remarque de Costes : "hum, les "acteurs d'internet" doivent aussi savoir que, dans mon cas, je n'ai pas trouve l'Association des Utilisateurs d'Internet prete a intervenir a mes cotes, bien au contraire. L'AUI a soutenu Altern et ne m'a accorde aucun soutien officiel ni meme conseil officieux. L'AUI soutient les providers mais, jusqu'a preuve du contraire, pas les webmasters".

Mardi 15 juillet : Un article sur cette affaire parait dans "Liberation".

Mercredi 16 juillet : Costes est auditionne par la Police Judiciaire sur demande du Parquet de Paris. L'interrogatoire est courtois mais froid. Le policier est convaincu de la culpabilite de Costes : pour lui, les paroles du CD "Livrez les blanches aux bicots" constituent un delit en elles memes et il lui parait quasi sur que le proces au penal aura lieu.
Les questions portent sur l'identite et les revenus, sur la maniere dont les CDs sont produits et diffuses par Costes et sur le fonctionnement de son site internet.
Aucune question n'est posee sur l'appartenance ou non de Costes a un parti ou une mouvance d'extreme-droite raciste, ce qui aurait pourtant permis de determiner si son activite est bien strictement artistique, ou si, derriere "l'art", se cacherait des intentions de troubler l'ordre public (la reponse aurait ete non)
Aucune question non plus afin d'etablir si les paroles de ce CD ont, d'une quelconque maniere, trouble l'ordre public depuis sa sortie en 1989 (la reponse aurait encore ete non)
Egalement aucune question sur le fond de l'affaire. Selon le policier, le Parquet de Paris s'en tient pour le moment strictement au texte : le texte est "raciste" donc le delit est etabli. L'audition ne vise qu'a etablir la realite du delit et l'identite du coupable et a lui faire reconnaitre les faits.
Pour pouvoir enfin se justifier et expliquer son oeuvre, Costes devra donc attendre un eventuel proces penal qui pourrait avoir lieu a la fin de cette annee ou au debut de 1998.

Jeudi 17 juillet : echange de courrier entre un amateur de la musique de Costes et la Licra suisse :
-"Messieurs, je vous adresse le present message pour protester contre la campagne de persecution que vous semblez mener contre l'artiste performer Costes, campagne qui, bien loin de servir vos buts de lutte contre le racisme, a declenche des actes de violence imbecile contre cet artiste. A mon avis, vous seriez bien inspires a l'avenir de reflechir a deux fois avant de vous engager dans des actions inconsiderees : je suis sur qu'il ne manque pas, en Suisse comme ailleurs, de neo-nazis patentes et sinistrement actifs contre lesquels vous pourriez, a juste raison, dechainer vos attaques. Mais, peut-etre, souhaitez-vous systematiquement aller au plus facile et au plus irraisonne?"
-"Merci de nous donner votre point de vue. Nous preparons une reponse pour les medias de notre region ainsi que pour l'organisation qui a invite Costes. Nous vous en ferons parvenir une copie par mail d'ici peu. Mais en bref, je peux vous dire que notre position (Licra Section Neuchatel, Suisse) est plus nuancee. Quoi qu'il en soit, la provocation demande beaucoup d'intelligence et de finesse (au sens large) et je doute que les moyens artistiques de Costes en contiennent beaucoup. Mais notre propos n'est pas de disserter sur les qualites ou non qualites artistiques de Costes."

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Merci - Texte de Costes