Quand j'ai appris, le 15 décembre 1999, que j'avais perdu le procès, j'étais paralysé.
A la suite de soins médicaux mal faits (pour soigner une leishmaniose) je me suis retrouvé avec une infection qui me bloqua la jambe gauche et la fesse.
Je rampais dans mon appartement vers les toilettes... Faut que je me grouille parce qu'en plus cette putain d'infection me fout la chiasse. Donc je rampe "à toute vitesse" vers les chiottes, telle une misérable sous-chenille merde sous-humaine que je suis. Et je vois en gros devant moi apparaitre( ouf enfin!) le bol blanc magique constellé de caca et odeur beurk. J'agrippe le chiottes des deux mains et tente de me hisser dessus. Argh l'effort...Merde j'y arrive pas...trop cassé...
Et bam je dégueule dans le trou caca qui pue d'un coup la bouillie d'antibiotiques.
Découragé, je retombe affalé, et pleurant me laisse aller à chier sous moi (prootz! l'odeur monte direct! ah çà fait du bien!).
La chiasse chaude m'emplit la raie des fesses et coule sur mes cuisses par terre et allez je pisse, la totale! Au point ou j'en suis! Et je barbote dans l'odeur qui colle tout, et le caca refroidit doucement et c'est doux...
Le chat que rien ne démonte, sérieux comme d'habitude, me sent consciencieusement le cul en connaisseur.
Je suis vraiment dans la merde et j'en jouis.

Quand soudain sonne le téléphone. C'est mon avocate chérie qui m'annonce le résultat du procès. Merde! Je recommence ma reptation "à toute vitesse", marche arrière de sous-chenille sous-homme désespérement vers le répondeur qui se déclenche.
"Allo? Monsieur Costes? Vous n'ètes pas là? ... Je voulais vous annoncer l'arrêt de la cour d'appel...C'est perdu"
Arggh! Je tends ma main pleine de merde vers le téléphone (c'est pas grave au téléphone elle se rendra compte de rien, voix normale, pas d'odeur, j'assurerai). Mais merde trop tard, elle a raccroché.

Et je retombe épuisé par mes reptations vaines frénétiques. Et m'affale à nouveau le cul plein de caca, et le chat qui suit derrière et renifle : "il y a un mystère dans ce caca qu'il faut que j'éclaircisse. Il a une drole d'odeur ce caca...c'est du caca de quoi çà?" pense chat en me reniflant consciencieusement la raie merdique de bas en haut. "Arrête chat, tu me chatouilles avec tes moustaches! C'est du caca d'antibiotiques c'est tout."

Le chat se casse et m'observe de loin en léchant ses moustaches cacatées et moi je grelotte le cul à l'air dans ma merde froide et la fièvre. "Putain si les mecs de l'uejf me voyaient dans cet état, ils s'éclateraient trop. Il en a plus pour longtemps le hitler qu'ils diraient".
Et c'est vrai que le hitler là il est bien dans la merde dans son bunker. Et même pas une Eva Braun pour lui torcher le cul ou lui branler la queue au caca! Ah, être un hitler de nos jours c'est plus ce que c'était! Moi je suis un faux hitler, un hitler d'opérette, un usurpateur, un bouffon, un looser.

Mais c'est normal, j'ai toujours été un looser. Je suis un looser de naissance.

Déjà : je suis né dans une famille de merde du coït de merde d'une merde avec une merde. Rien que de penser au sperme de mon père, rien que de penser que je suis sorti de son sperme, çà me donne envie de vomir. Son sale sperme! Je sens l'odeur de son sale sperme et je dégueule le reste d'antibios sur la moquette merdeuse. Et le vagin de ma mère (beurk bis!) pas mieux. Rien que de penser que je suis sorti de ce trou gluant et puant qu'elle a (aurait) (soi disant) (à vérifier) entre les jambes, je flippe à fond. Dèjà, même en faisant le plus grand effort possible d'imagination, j'arrive pas à voir un trou poilu entre les cuisses de ma mère. Cà me parait totalement incongru, çà cadre pas avec son personnage de matrone bourgeoise impeccable merde! Elle a vraiment poussé des cris en mouillant comme une salope?! Putain mais c'est une trahison antidatée de toute l'éducation qu'elle m'a donné! "Touche pas ton zizi, fais pas si fais pas çà"...et elle elle a sucé la queue du vieux porc aux couilles pendantes?! Arghhh l'hallu! Traitre! Salope!

Je sais pas pourquoi je pense à çà vautré dans ma merde devant le répondeur ding dong avec la voix de l'avocate chérie qui tourne en boucle ("Allo?...Monsieur Costes? ...C'est perdu.")... Ah oui...c'est parce que je suis malade + j'ai perdu le procès = je suis un looser, un looser de naissance.

Alors je pense au trou gluant, au prépuce puant, et je comprend que c'était mal barré dès le départ.

Je suis né dans la famille la plus chiante du monde. J'ai pas le souvenir d'un jour, d'un instant heureux en compagnie de mes parents; faut le faire! C'est pas possible, je dois truquer!
Pas une seconde? Au moins un rire bète merde! Un rire bète oui, mais immédiatement suivi d'une baffe dans la gueule, elle-même suivie de pleurs immanquablement suivis d'une deuxième baffe. "Pleure pas"...et boum une troisième au moment où je fais un vague "snif" étouffé...""Mais je pleurais pas, je reniflais!" Et bam une quatrième! "On renifle pas, c'est pas poli. On se mouche!" Là mon nez pisse le sang dans la purée et je fais genre j'avale la cuillere de purée pleine de sang
(Eh les mecs, foutez vous à ma place : je suis seul, je pèse 15 kilogs. Eux ils sont deux et ils pèsent 90 kilogs chacun alors je me tiens à carreau)...Et baoum une cinquième "Je t'ai dit de te moucher!"
Bon ... vous voyez le topo ... je vous passe les détails. Tous les jours comme çà de zéro à 18 ans.

Parce que j'était même pas un enfant révolté, un fugueur, un indiscipliné, un gosse qui fait les quatre cents coups, qui prend des raclées ok mais au moins qui sait les conneries qu'il a fait et combien il s'est éclaté en les faisant.
Non, j'était un gosse timide réservé passif qui subissait, essayait de se soumettre, de se conformer au modèle, de se glisser dans le moule, mais rien à faire, j'étais pas conforme de nature. Looser de naissance je vous dis.

Si encore je m'étais éclaté à l'école...Parce que yen a un paquet de gosses qui souffrent en famille, mais au moins à l'école avec leurs potes ils s'éclatent. Et ben pas moi. Je parlais à personne, je restais dans mon coin. Ils me prenaient pour un autiste et tout le monde se foutait de ma gueule.
"Costes au tableau" J'avance en tremblant...çà ricane déjà de partout, les vannes fusent, j'ai pas les fringues branchés (je suis habillé genre un aveugle handicapé par sa bonne mère si patiente et irréprochable = comme un tas de merde quoi. Bon le pantalon est propre, la chemise est repassée, mais bonjour le look : armée du salut sortie de prison 1950 alors que toute la classe est bourgeois-hippy pattes d'ef écharpes indiennes cheveux longs. Moi c'est la tête razé (même pas la tête razé, là au moins j'aurais passé pour un facho, ils m'auraient respecté) Non non, en dessous, bien en dessous du facho : ringard. Les cheveux courts en brosse, le pantalon gris de curé, le blazer bleue marine manches trop courtes. Nul quoi.)
"Nul! Archi nul! Vous êtes nul Costes! Zéro! A votre place!" Merde! Paralysé par les quolibets, les rires étouffés des salopes, j'en ai pas placé une alors que j'avais tout appris par coeur jusqu'à minuit. Encore un zéro qui va me valoir une raclée à la maison. Quel looser je suis!

Et dans la rue! J'arrive même pas à rentrer dans une boulangerie pour acheter un carambar. Je fais des allers-retours nerveux devant la boutique en répétant ma phrase "Bonjour Madame, je voudrai un carambar s'il vous plait". Je sais pas pourquoi çà me parait au-dessus de mes forces, si compliqué, dangereux. J'ai peur de bredouiller, qu'elle se moque de moi. Bon allez je me lance. Je rentre dans la boutique. La grosse blonde me regarde en souriant la chatte calée dans le tiroir caisse. "Et pour vous ce sera?" Merde! C'est à moi qu'elle parle?! Argh! La panique. J'entrouvre la bouche mais rien ne sort, pas un mot, juste un vague rot et je ressort rouge de honte, les ongles rongés par l'échec.

Et les boums, putain les boums! Bon yen a ils sont nuls à l'école, ils se font bastonner chez eux, mais ils se font un paquet de meufs. Et ben pas moi evidemment. Moi je me branle. Je me branle à douze ans, je me branle à vingt ans et je me branle toujours à quarante ans!
C'est la boum (boum-boum-boum), les lumières clignotent, tamisé ultra-érotique. Les salopes se font plotter dans tous les coins, deux trois boudins mouillent en vain sur les chaises du fond. Moi je suis paralysé addossé au mur; pas adossé, scotché. Le temps passe... "All you need is love" passe et repasse. "All you need is love" ouais, mais moi j'ai toujours pas bougé mon corps jusqu'à la dernière grosse qui inonde le parquet pour euh..."tu veux danser?" Non. J'ai trop peur quelle me dise non et j'ai trop peur qu'elle me dise oui. Si elle me dit non, je prendrai le coup en pleines couilles et je partirai direct chez moi en pédalant comme un malade, me branler dans ma piaule anéanti pour deux mois par ce nouvel échec. Si elle me dit oui, il va falloir que j'assure au slow; "All you need is love" çà dure 7 minutes. Et comment que je vais la tenir, et comment que je vais la bouger? Et comment que je vais bouger mes pieds? Je vais merder, çà va être la honte.

Et la nuit passe été 1968, et la vie passe, des milliards de "All you need is love", et je me branle toujours.

Bon ya des mecs, jusqu'à l'adolescence ils sont grave complexés mais après, adultes, ils s'épanouissent, ils prennent de l'assurance, les études un boulot une collègue sympa trois gosses une belle carrière, et la vie est belle!
Pas moi. Moi je suis looser bloqué la manette à zéro.

Les études? Ni réussies ni ratées, juste jamais terminées.
J'allais en cours (J'allais à tous les cours mais c'est comme si j'étais absent. J'étais absent, au fond immobile figé, absent. Les profs ils savaient même pas que c'était moi Costes. "Costes? C'est qui Costes?" Absent.). Les autres allaient faire du ski, revenaient bronzés faire la bise aux putes pleines de sperme qui leur auréole jean le cul. Ils tu toi tu toi tu toi léchaient le cul de profs et ramassaient les uvés et moi je redoublais.
Et en dehors des cours? La piaule de merde toute pourave dont je sortais jamais, où personne ne venait jamais, les merguez frites avec les boutons, le cartouche de gaz vide et la casserolle cramée pleine de champignons. Toujours aussi ringard malgré les cheveux longs. Je passais des heures devant le miroir constellé de dentifrice à scruter ma laideur et mesurer ma queue. Je pissais dans le lavabo et me branlais sur le drap éternel couvert de mille étoiles sèches. Je m'endormais asphixié par l'odeur de pieds.
Je devais me réveiller pour l'examen, merde la pile, le réveil sonnait pas, etc...six ans d'études dans le brouillards de clope a zizaguer seul entre les ag et les manifs ("crs-ss", "nous sommes tous des Malik Oussekine", eux ils jouaient à la guerre et la mort entre la drogue et le cu. Moi je m'entrainais à ma solution finale à la lame de razoir le dimanche soir). Les plus belles années de ma jeunesse à trainer dans les couloirs lacérés d'affiches pavés de mégots, à constater la gemmelité du mur gauche et du mur droit, et rien au bout : pas de diplome, même pas un plan de cu, rien. La même mort qu'à l'école; l'école prolongée.
Et maintenant j'avais même plus l'excuse de la tyrannie parentale pour expliquer mes échecs ("si je me fais pas de meufs c'est parce que ces salops veulent pas me payer une moto"). L'échec venait de moi, du plus profond de moi, et je raterais tout toujours. C'est çà que j'ai compris à la fac. T'est un looser, c'est ta faute et t'en sortiras jamais.

Bon là yen a ils disent "basta, assez galéré, l'école, les parents, les boums c'est pas pour moi, je vais trouver un taf, faire du fric et vivre ma vie" Eh ben pas moi. Moi j'ai trente ans, çà fait cinq ans que je suis plus à la fac, que je fous rien, je cherche pas de boulot, çà me fait chier. Je reste à me glander les glandes dans toujours la même piaule "d'étudiant" (les voisins doivent croire que je prépare une thèse de doctorat?) de 5 m2 qui pue chaussettes poubelles jamais sorties sperme draps slips jamais changé et je reste au pieu (à faire quoi? euh...) (je regarde même pas la télé, je bois pas, je me drogue pas, je fais pas la fête, j'ai pas de copine...ouais je sais c'est bizarre, mais comment j'ai pu passer tant d'années à rien foutre. Je faisais tellement rien que je me damande même comment les années ont pu passer? Le temps n'est-il pas de la vie accumulée? comment du néant accumulé peut-il faire du temps?)
La recette : Je me couche, je branle rien. Je me retourne et rebranle. Refaites çà dix mille fois et ca vous fera une vie. C'est pas compliqué.

J'ai plus de fric, je me laisse crever de faim et j'aime bien. Je me barre dans ma tête et les années passent.

C'est inrcoyable comme des non-actes, des attentes, des reports dans un halo de rêves finissent par faire une vie!
Décembre 1999, 45 ans! Cà me paraissait tellement loin à 20 ans, tellement différent, tellement improbable et maintenant c'est là, c'est presque derrière! Et je suis le même looser que celui de cinq ans qui casse exprès son jouet préféré puis se couche à côté et joue à être mort près du camion accidenté. Mais çà me lasse vite alors je chie dans ma couche.

Ils parlent de "changement"..."réformes"..."internet"..."21ème siècle"...
Moi je sais que même si je vivais trois mille ans, je serais toujours le même, juste un peu plus cacateux spermeux du cul de la queue.

C'est étonnant cette constance du caractère, de l'attitude, comme si on naissait prédestiné : "toi tu réussiras, toi tu échoueras"... Bon moi visiblement je suis tombé sur la case "raté".

Encore, un mec qui réussit tout, on comprend qu'il ait pas de raison de changer; mais un mec comme moi qui rate tout, le dernier des looser, çà serait quand même son intérêt de changer, même un tout petit peu! "Je sais pas moi, fais un effort, bouge toi"
Nan, je fais rien, je bouge, je reste sur le lit, je me branle, j'attend le messie = l'érection. Frot frot frot, flop flop flop. Ah je jouis et je retombe. Je sens le dégout sperme froid. Je ferme les yeux. J'attend la prochaine érection. Jerêve...et ainsi de suite en boucle jusqu'à la mort.

Et ainsi, d'échec en échec de branlette en branlette, je me complais dans ma merde le 15 décembre 1999
(paralysé dans ma merde la voix de l'avocate chérie métallique "c'est perdu")
comme je me complaisais dans ma merde en 1954 (merde dans mes couches).

C'est perdu,
c'est perdu,
c'est perdu,
c'est perdu".
Je suis foutu.
C'est ma devise.

Et je me met au piano. Et c'est là que tout change.

---- procès ---- porno-social ---- index.htm --------- costes@costes.org ------------------- http://costes.org ---- 1999