COSTES
Interviews en francais


INTERVIEW PAR GUILLAUME VON GOUARNEZ POUR JADE
decembre 1996

- GvG : Comment as tu commence?
- Costes : Au debut, ce que je faisais c'etait un hobby. Puis, comme je suis un peu asocial, mon hobby est devenu mon refuge. Je me faisais jeter par des groupes. Ma maniere de jouer du piano etait trop bizarre, et je ne trouvais pas de groupe pour jouer avec moi. Alors je me suis achete un magneto-4 pistes,un truc sorti dans les annees 80 avec lequel on pouvait faire de la musique chez soi. L'idee de depart etait de faire des maquettes pour les maisons de disques. Pas du tout quelquechose d'underground, mais trouver un contrat. A l'epoque mes chansons etaient plus conventionnelles. Mais au bout de quelques mois, seul chez moi, j'ai completement debloque. Vu qu'on me disait toujours que c'etait nul, j'ai commence a devenir vraiment haineux. En fait, je ne me suis jamais dit "je vais faire de la musique alternative, d'avant-garde". Ce n'est pas du tout venu par ambition ou conscience. Plutot par frustration.
- Gvg : Tu as une formation classique au piano?
- Costes : D'une certaine maniere, oui. Je jouais du rock, j'utilisais trois doigts. Aujourd'hui j'en utilise toujours trois, mais j'en ai un dans le cu! J'ai voulu acquerir une technique et j'ai pris des cours de classiques. Pendant des annees j'ai fait du piano classique tous les matins! C'est incroyable d'ailleurs. Tous ces gens qui pensent que je ne sais vraiment rien faire. Ils pensent qu'il n'y a meme pas de musique sur mes disques. Il faudrait que je sois vraiment grave pour etre toujours aussi nul apres tant d'annees. Alors que n'importe qui avec un synthe sort, au bout de six mois, un truc qui plait!
- Gvg : D'ou ton choix pour l'autoproduction?
- Costes : Au depart c'etait une vexation, puis c'est devenu ma chance! Comme je vend dans les mille exemplaires de chaque CD, je n'aurais jamais rien gagne si j'etais passe par une maison de disques. Ils m'auraient dit "tu n'as pas assez vendu" et je n'aurais rien touche sur les ventes. Alors que maintenant je gagne de l'argent car je touche 100% des ventes. En plus, tout s'est casse la gueule, tout le rock alternatif, tous les disquaires ont disparu. Au moins, je tiens mes droits, mes disques et je peux vivre en faisant des concerts.
Niveau distribution, c'est la censure a fond : On m'a retire des Fnacs et Virgin en 1994, sur decisions des directions commerciales. Un vendeur de la Fnac m'a donne le fax ou il est stipule de ne pas mettre en vente de disques de Costes car "il ne correspond pas a l'offre commerciale Fnac...vague et hypocrite...
- Gvg : as-tu des collaborations en vue?
- Costes : Je sors un ep sur le label "Rectangle" avec Noel Akchote et Didier Petit. Mais je ne les connais pas, je ne les ai jamais rencontre et je ne sais pas comment ils jouent!? J'ai joue, chante et mixe a partir de bandes de leurs improvisations. Je ne voulais pas les rencontrer. Je deteste jouer avec des gens, au sens de "jouer dans un groupe". Je trouve ca trop contraignant, limitatif. Mais j'aime utiliser la musique des autres pour avoir des formes, des sons et des feelings varies.
C'est la premiere fois en France qu'un label produit un disque de Costes! Personne n'a jamais sorti en France un truc de moi, pas meme une cassette underground en trois exemplaires!?!?
- Gvg : Il y a des gens avec qui tu aimerait travailler?
- Costes : Il y a des gens qui aimeraient travailler avec moi; mais je suis insupportable. Je veux tout controler. Je n'ai aucune envie de discuter. Je suis habitue a jouer comme un celibataire maniaque range ses affaires. Je veux bien utiliser le style et le son de quelqu'un mais je veux decider de la forme finale. J'ai ete trop considerer comme de la merde et maintenant que je suis conne, c'est un peu tard pour s'interesser a moi. Je soupconne les musiciens de jouer avec moi pour se faire un nom plus que par amour de mon..."art"...
De toute facon, j'evite le milieu musical. Je ne sors jamais, sauf pour mes concerts. J'ecoute un peu toutes les musiques pour me tenir au courant des evolutions. J'aime tout ce qui bouge, etonne, change et me touche: ainsi j'ai adore le rap a ses debuts, puis maintenant la techno experimentale et hardcore. Toutes ces musiques m'influencent, mais indirectement, sans que je cherche vraiment a analyser leur technique pour la copier, je m'inspire de leur feeling, de la sensation qu'une musique degage.
- Gvg : Tu as des bons contacts au Japon?
- Costes : C'est le pays ou je vend le plus de disques. Il y a une excellente distribution, beaucoup de magasins independants, et un publis tres ouvert a la nouveaute et a ce qui vient d'ailleurs, avide d'originalite. C'est peut-etre ce qui explique mon succes la-bas?
- Gvg : As-tu fais le CD "Jap Jew" parce que tu avais du succes au Japon, ou bien ta notoriete la-bas est-elle nee avec ce disque?
- Costes : Comme je commencais a vendre des disques au Japon, j'ai fait un disque special pour les japonais. Depuis j'en ai sorti deux autres en langue japonaise, car je trouve que c'est essentiel que l'auditeur puisse comprendre mes textes. Ainsi, pour les USA, j'ai sorti plusieurs CDs en anglais.
Dans mes CDs en japonais, je me suis beaucoup documente sur la culture japonaise que j'admire enormement, et j'ai essaye de chanter un peu comme si j'etais un japonais, ou au moins un immigre vivant au Japon. De faire du Costes japonais!!!
Il se passe beaucoup de choses interessantes en Asie, et apres avoir fait des concerts au Japon en 1995, j'irai a Taiwan en 1997
- Gvg : Ton show asiatique sera-t-il le meme que le show en France?
Non, je change toujours le show. Un, ce sont des musiques et paroles toutes differents des disques car elles sont adaptees aux mises en scenes theatrales des shows. Deux, je fait le show le plus possible dans la langue du pays. Trois, au Japon, je jouerai sur scene avec des japonais, aussi je ferai un scenario, de la musique et des textes sur place en collaboration avec eux et dans la sensibilite du lieu et du moment. En plus je change souvent le show par peur de m'ennuyer et de stagner creativement.
- Gvg : Ton dernier show en France ("Sans queue ni tete") etait tres politique...
- Costes : Enfin, disons qu'il parlait de politique, sans vraiment prendre position. Je representais le theatre politique sur scene. C'etait sur la cinquieme republique, sur l'epoque telle qu'elle ressort dans les medias qui sont une grande source d'inspiration pour moi. Tous les personages politiques de notre epoque ressortaient sur scene en vrac, dans de droles de tenues et de droles de positions!...De Gaulle enculant Simone Weil, par exemple. Il y a pleins de possibilites sceniques avec la politique. Tout ce racisme, toute cette violence, ce feuilleton sans fin de la folie et des passions humaines que debitent les journaux televises...J'inclus tout ca dans le show : Tapie, Kouchner, les bonbonnes de gaz qui petent de partout! Dailleurs ca ne passe pas toujours bien : tant que ca reste des histoires de "on-s'encule-en famille", ca va encore, mais des que je touche a la politique, aux croyances, aux valeurs morales, c'est le tolle!!! Certains se souviennent brutalement qu'ile ont une "race" ou une "religion" et se sentent insultes. Il y aura toujours un con pour se souvenir qu'il a une grand-mere juive ou un pere arabe, ou des cousins en Bretagne! Ca va en choquer un si je chie sur le Coran alors que deux minutes avant il se marrait quand je pissais sur la Bible. Poutant s'il y a un mec qui insulte sa propre "race", c'est bien moi, moi qui me met a quatre pattes pour deux cents balles avec une croix dans le cu! C'est moi d'abord qui me met dans la merde avec ma race, ma famille, ma religion et ma patrie et pas le mec du public, soi-disans choque, alors qu'il est assis bien tranquille, bien propre, a regarder sans se mouiller. Et soudain je sens un regain etonnant de nationalisme, de culte des racines, meme de la part de squatters ou de militants d'extreme-gauche.
- Gvg : Peut etre que tu touches des points sensibles...
- Costes : Oui, tres facilement. Des points que l'on pourrait penser sensibles, mais pas pour ce public la , suppose ouvert d'esprit. Soudain, ils se sentent des opinions politiques et des principes moraux fermes alors que pour moi le show est un mic-mac absolu sans aucun sens, ou au sens mysterieux. Moi, je suis incapable de discerner le message dans mes oeuvres, alors que d'autres pretendent pouvoir le faire, souvent a la premiere ecoute de 15 secondes, me fait marrer. En fait les gens voient dans le show ce qui les arrange : certains me prennent pour un revolutionnaire, d'autres pour un nazi, d'autres simplement pour un fou. J'avais une croix de Lorraine dans le decor, un jour un cingle est monte sur scene et l'a totalement dechiquetee, dans un acces de rage incroyable. Peut etre ne supportait-il pas De Gaulle? En tout cas il confondait theatre et realite.
- Gvg : Ton dernier CD "NTMFN" prend pour cible les leaders du groupe NTM. Ne cains tu pas justement une incomprehension totale, voire une mauvaise recation?
- Costes : Depuis que j'ai sorti quelques titres contre le rap il y a trois ans sur la cassette "Maitre-con", je suis regulierement menace par des rappeurs (alors qu'en fait je suis un grand fan de rap hard-core et que j'avais fait ces titres dans cet esprit!?). Je suis menace par telephone ou dans les shows. Parfois ils agressent aussi les animateurs de radio qui me programment. Cet ete, Kool Shen de NTM est venu hurler des menaces de mort devant chez moi!?!? Il a dit qu'il allait me "pietiner avec ses tepos et me jeter dans le canal de Saint-Denis"...L'incomprehension et les menaces existaient donc deja avant la sortie du disque. Le CD "NTMFN" n'est donc que ma reaction a ces menaces. Pourquoi devrais-je m'ecraser devant Kool Shen qui ne supporte aucune critique. S'il a le droit d'insulter la police, pourquoi n'aurais-je pas le droit de l'insulter? Et quelle imposture de voir NTM presente en rempart de la democratie et de la liberte d'expression alors que ce sont les pires des intolerants, des ayatollahs de banlieue!
- Gvg : Ne crains tu pas des represailles physiques?
- Costes : Je sais qu'il y aura des represailles physiques; mais pas de la part de NTM qui jouent les gangsters mais sont en fait des intellectuels boutonneux, des artistes, la tete plongee dans le dictionnaire de rimes.Le danger pourrait plutot venir de certains de leurs fans fanatises qui voudraient reparer l'honneur perdu de leur guru. Il y a danger reel, ce qui ne veut pas dire que je perdrai forcement la bataille; et ce qui ne veut surtout pas dire qu'il faut toujours reculer devant le danger. On critique ceux qui se sont ecrases devant le nazisme et il faudrait fermer sa gueule devant quelques voyous bidons?
- Gvg : Qu'entends-tu par "Je ne crois qu'a l'individu nu", phrase de conclusion d'un long texte du livret du CD "NTMFN" ou tu t'en prends a "ces chanteurs imposteurs...qui se prennent pour le messie et cherchent le pouvoir a travers l'art"?
- Costes : Je ne crois qu'a l'individu nu, nu comme le bebe, nu comme le mort, nu, derisoire et faible comme a la visite medicale. Tout le reste n'est qu'oripeaux. Casquette = cache-sexe.
- Gvg : Fais-tu de la provocation?
- Costes : Non, il n'y a pas de provocation. Je fais un show le mieux que je peux, je fais les meilleurs morceaux que je peux. Je donne le maximum sur scene, je bourre mes disques du maximum possible de musique. Il n'y a ni arnaque ni provocation. Celui qui m'ecoute ou vient voir le show a ce qu'il attendait.
Le show commence a l'heure dite, au lieu dit, sur une scene, c'est a dire dans un espace privilegie, en dehors de la realite, ou il est possible d'exprimer tous les conflits, toutes les haines, toutes les emotions sans nuire reellement a autrui. Le spectacle n'est pas la vie. C'est une representation et non une provocation. La vraie provocation c'est la bouteille de gaz qui pete dans le metro, celle la elle fait vraiment atrocement mal et ceux qui subissent ce mal evidemment ne le desiraient pas. A cote de ce genre d'horreurs provocatrices, mon show est derisoire.
- Gvg : Si quelqu'un te demandes ce que tu fais dans la vie, qu'es ce que tu reponds?
- Costes : J'evite de dire que je fais de la musique...Si je dis a une fille que je fais de la musique, elle va trouver ca cool et ecarter les cuisses; jusqu'au moment ou elle va entendre le disque; alors elle va serrer les cuisses et se casser. Ma musique m'a completement isole au niveau vie privee. Ainsi la derniere fille avec qui je sortais a fini par craquer a la suite d'incessantes menaces telephoniques la nuit.




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