Marée noire
10 janvier 2000

ILS ONT TUÉ MON GOÉLAND
TOUS LES GOÉLANDS ET CORMORANS TUÉS EN SECRET DANS DES CENTRES DE SOINS

Le premier janvier 2000, je suis parti secourir les oiseaux victimes de la marée noire dans la baie de Bourgneuf en Vendée.
Dans ce coin, nous étions une cinquantaine de bénévoles à ramasser les oiseaux. La coordination était assurée par l'association écologiste locale "L'Hirondelle" basée au Moutiers-en Retz. Cette association nous fournissait le matériel nécessaire pour attraper les oiseaux mazoutés (épuisettes, cartons, gants, bottes) et répartissait les bénévoles par équipes de deux ou trois sur le littoral entre l'estuaire de la Loire et le marais vendéen. Ensuite, l'association réceptionnait les oiseaux secourus, leur administrait quelques premiers soins (gavage, piqure d'antibiotiques, charbon) dans son centre de soin à l'école de voile du Moutiers-en-Retz, puis les transportait au centre de soin de l'école vétérinaire de Nantes où ils étaient nettoyés et soignés jusqu'à complète guérison.
Enfin, çà c'était ce qu'on croyait...et on y croyait à fond! Et çà faisait plaisir de voir tous ces gens venus de partout, désintéressés et passionnés, qui se défoncaient de l'aube à la nuit pour ces oiseaux merveilleux, admirables nomades, parmi les derniers êtres libres sur cette planète concentrationnaire. Et c'était étonnant de constater que ces équipes improvisées de bénévoles se révélaient dans l'urgence bien plus efficaces que l'Etat ou n'importe quelle structure bureaucratique et hiérarchique.

On était tellement efficaces que quasiment tous les oiseaux survivants s'échouant dans le coin étaient secourus. Ainsi, nous apportions chaque semaine 300 ou 400 oiseaux mazoutés vivants à l'association locale, et, la mobilisation pour les oiseaux étant identique sur tout le littoral touché par la marée noire, à la mi-janvier 70000 oiseaux avaient été ramassés et les centres de soins ne tardèrent pas à être totalement débordés.
Les centres de soins ne furent pas débordés par manque de bénévoles mais par manque de locaux et de matériel mis à disposition par l'Etat et les administrations. Ainsi, le centre de soin de Nantes était installé dans une étable beaucoup trop petite de l'école vétérinaire, alors que cette ville dispose dans son port d'immenses entrepots abandonnés dont un aurait pu parfaitement être ouvert pour acceuillir les oiseaux, avec un peu de bonne volonté de la part des "autorités". De même les produits nécessaires pour les soins commencèrent aussi à manquer.
Alors que la mobilisation des bénévoles fut extraordinaire (il suffisait d'une annonce à la radio pour que le jour même des centaines de bénévoles, bien plus que nécessaire, se proposent spontanément au centre de soin de Nantes), la mobilisation de l'Etat et des administrations de qui dépendaient la mise à disposition de locaux et de matériel pour mener à bien le sauvetage des oiseaux, fut tardive et minimale.
D'un coté on avait 70000 oiseaux qui attendaient, dans des cartons et une étable, des soins qui dureraient au moins deux mois et leur nombre ne cessait d'augmenter, la mobilisation des ramasseurs d'oiseaux ne se relachant pas. De l'autre coté on manquait de locaux pour les installer et de matériel pour les soigner du fait de la mauvaise volonté des "autorités".

LA DÉCISION FUT DONC PRISE D'EUTHANASIER UNE PARTIE DES OISEAUX.

Ainsi au centre de soins de l'Ecole vétérinaire de Nantes, les vétérinaires, en accord avec les responsables de la LPO et des associations écologistes locales, commencérent à éliminer systématiquement les oiseaux mazoutés :
1) Ils tuèrent systématiquement tous les goélands, goélands argentés, cormorans et plongeons, prétextant qu'il s'agissait d'espèces "abondantes...nuisibles...dangereuses à soigner...insoignables..."
2) Ils tuèrent aussi tous les oiseaux des autres espèces dont ils estimaient "les chances de survie trop faible".

Il fut décidé que ces mises à mort devaient rester une "information confidentielle connue des seuls responsables". On cacha donc soigneusement ces euthanasies massives aux bénévoles ramassant et soignant les oiseaux ainsi qu'aux médias.
Evidemment, çà la foutait mal! Un million d'oiseaux étaient morts, les plages étaient jonchées de cadavres, et les très rares survivants étaient, à plus de 50%, massacrés dans les "centres de soins"! Dur à expliquer aux bénévoles et à l'opinion! Vraiment très dur à faire avaler quand le ministre de l'environnement est écologiste et que les associations écolos et la LPO ferment leur gueule sur ces mises à mort, voire y participent, comme au Moutiers-en-Retz où c'est l'association "L'Hirondelle" qui détenait le produit utilisé par le vétérinaire pour tuer systématiquement les goélands et cormorans!

Et quand un bénévole ramenait un goéland on lui disait "Ah bravo, t'en as encore trouvé un! Oh comme il est mignon le pauvre petit, comme il est abimé, mais on va bien le soigner"...
Et pour les médias, on organisa des visites de centres de soins et des lachers de goélands!!!
C'est vraiment ce qui s'appelle se foutre de la gueule du monde!

... Et nous, comme des cons, on continuait à se défoncer de l'aube à la nuit dans le vent, le froid et la pluie, à ramasser les oiseaux mazoutés, croyant les sauver, alors que nous les condamnions à une mort certaine en les confiant à des vétérinaires et des écologistes qui prétendaient les soigner mais les tuaient en cachette.

Mais le bruit commenca à courir parmi les bénévoles que les goélands étaient euthanasiés. Cà faisait une semaine que je me défoncais pour ces piafs et çà m'a fait trop chier de penser que tous les goélands que j'avais rapporté avaient été tués en douce alors qu'on m'avais assuré les soigner! Je commencais donc mon enquête pour en avoir le coeur net.
Je participais aux soins au centre du Moutiers afin de comprendre son fonctionnement et je constatais que tous les goélands étaient mis dans des cartons à part et qu'aucun d'entre eux ne recevait de soins...Le lendemain, les goélands avaient disparu...Je cherchais dans les poubelles derrière le centre de soin et je trouvais leurs cadavres!
Je commencais alors à poser systématiquement des questions sur l'enthanasie des goélands aux responsables écologistes et au vétérinaire. D'abord tous nièrent et dire que les goélands avaient été tous apportés à Nantes pour être soignés. Finalement, un responsable de l'association "L'Hirondelle" me prit à part et me dit que "ok, les goélands sont euthanasiés, car ce sont des charognards et des poubelles, mais ne le dis pas aux autres bénévoles car il y a des personnes sensibles qui ne comprendraient pas" Glups?!?!

J'informais immédiatement tous les ramasseurs d'oiseaux que certaines espèces n'étaient pas soignées mais éliminées. Evidemment çà mis le bordel! Harcelés de questions, les responsables emmerdés finissent par annoncer que "l'Ecole vetérinaire de Nantes a décidé de ne plus euthanasier les goélands mais de les soigner tous". Ca calme les esprits. Mais un responsable me confie "N'y crois pas. Cà fait trop de fois qu'ils nous mentent. Si tu veux être sur, va à l'Ecole vétérinaire de Nantes sous prétexte d'apporter un goéland au centre de soins. Demande à visiter, et si tu vois aucun goéland vivant parmi les oiseaux soignés, tu sauras qu'ils les ont tous tués".
C'est ce que je fis : le 10 janvier 2000, je me pointe au centre de soins de Nantes avec mon goéland...Je demande à visiter...Je vois des macreuses, des guillemots et des fous de bassan, mais pas un seul goéland, cormoran, plongeon...Je sors ma caméra et je commence à poser des questions "mais où sont tous les goélands que je vous ai confié cette semaine?!" Remue-ménage, regards bizarres, on me fout dehors. "Vous dérangez les oiseaux" (?!)
Je vais au service administratif du centre poser mes questions. D'abord ils nient. D'autres bénévoles arrivent posant la même question :
"Vous euthanasiez les oiseaux, oui ou merde?!"

Finalement un étudiant vétérinaire admet que "tous les goélands, cormorans et plongeons ont été enthanasiés ainsi que tous les oiseaux des autres espèces arrivés en trop mauvais état. Les plongeons ont été euthanasiés car ils ne retrouveront jamais leur étanchéité après lavage. Pour les goélands et cormorans, je reconnais que c'est contestable..."

En effet, "c'est contestable". Et je suis reparti à Paris avec mon goéland. Un vétérinaire furieux que je sache la vérité et me voyant remettre l'oiseau dans ma voiture me traita de "zoophile" (c'est vrai d'ailleurs que mon goéland a un beau cul!) et me dit texto :
- "Vous savez que c'est interdit de transporter une espèce protégée?
- "Ah oui? Et tuer une espèce protégée, c'est permis?"
- "Oui mais c'est sous controle vétérinaire!"

...J'ai gardé le goéland trois mois dans mon appart. Il prenait des bains dans le lavabo, il mangeait des sardines dans ma main, il chiait sur mon lit. Il était très sympa! Fin mars je l'ai relaché dans la baie de Somme. Il a fait un vol immense jusqu'à l'horizon vers le soleil, majestueux magnifique parmi les milliers de mouettes. Au moins un individu libre qui aura échappé au moins un jour au monstre pétrolo-écolo-médico-humanitaro-socialo-bureaucratico-étatico and co.

Bonne chance Gogo,
j'envie ta vie

et ta mort.

(informations collectées entre le 1 et le 10 janvier 2000 dans la baie de Bourgneuf et au centre de soins de Nantes)

J'ai réalisé un documentaire sur ce sujet intitulé "600000 sous-hommes assassinés" pour la chaine de télévision "La locale", mais six semaines après sa date prévue de programmation, il n'a toujours pas été diffusé.

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